Dominique Dupuy : Une diplomate réformatrice écartée par les intérêts politiques au profit d’un ministre silencieux.

Dominique Dupuy, ancienne ministre des Affaires étrangères d’Haïti, laisse derrière elle l’image d’une femme d’État audacieuse, compétente et résolument tournée vers une diplomatie éthique et réformatrice. En un peu plus de cinq mois à la tête du ministère, elle a insufflé une dynamique nouvelle rompant avec les pratiques opaques, au grand dam de certains cercles de pouvoir. Évincée sans justification claire, elle a été remplacée par Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, un ministre accusé d’immobilisme, de favoritisme et de corruption silencieuse.

Une diplomatie de rupture et de réformes

Nommée ministre des Affaires étrangères le 12 juin 2024, Dominique Dupuy a immédiatement mis en œuvre des réformes ambitieuses au sein d’un appareil diplomatique longtemps gangrené par le népotisme et le clientélisme. Elle a ordonné le rappel de plus de 80 diplomates pour réorganiser les postes à l’étranger selon des critères de mérite, de compétence et de représentativité nationale. Elle a également soumis au Conseil des ministres une série d’arrêtés visant à redéfinir les critères de nomination dans le corps diplomatique, dans une optique de transparence, d’efficacité budgétaire et de promotion des femmes dans les sphères de décision.

La voix d’Haïti sur la scène internationale

Forte de son expérience à l’UNESCO, où elle a représenté Haïti avec fermeté et clarté comme déléguée permanente, Dominique Dupuy a su redonner de la crédibilité et de la visibilité à la diplomatie haïtienne sur la scène mondiale. À l’UNESCO, elle s’est distinguée par ses prises de position pour la préservation du patrimoine haïtien, la promotion de l’éducation, des droits culturels et l’implication des femmes dans les instances internationales. Sa réputation de diplomate brillante et rigoureuse a ouvert des portes à Haïti dans des espaces souvent négligés par les précédentes administrations.

Son passage au ministère des Affaires étrangères a prolongé cette dynamique. À chaque tribune régionale ou internationale, dans chaque média étranger, elle a défendu avec force la dignité d’un État haïtien souverain, exposant les réalités du pays sans fioritures mais avec un sens stratégique certain. Elle a démontré qu’une diplomatie haïtienne audacieuse, moderne et respectée était non seulement possible, mais urgente.

Une défense courageuse des Haïtiens en République dominicaine

L’un des faits marquants de sa diplomatie fut son engagement sans faille pour les droits des Haïtiens vivant en République dominicaine, victimes d’expulsions massives et de traitements inhumains sous le gouvernement d’Abinader. Dominique Dupuy a osé dénoncer ces abus de manière frontale, forçant les instances internationales à s’intéresser à une situation souvent ignorée. Elle a brisé le silence habituel, assumant un rôle de porte-voix diplomatique pour les sans-voix, au risque d’irriter les autorités dominicaines.

Un limogeage orchestré sous pression politique

Mais cette posture indépendante, courageuse et dérangeante pour certains intérêts l’a rendue vulnérable. En novembre 2024, sous la pression du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), elle est brutalement écartée de son poste, sans explication officielle. Selon plusieurs sources concordantes, son départ aurait été exigé par des acteurs influents qui voyaient en elle une menace à leurs réseaux de nomination, de privilèges et d’influence dans les affaires étrangères.

Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste : Une gestion silencieuse et controversée

Le contraste avec son successeur est saisissant. Depuis sa nomination, Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste s’est illustré par son absence quasi totale dans les débats internationaux et son mutisme face aux grandes crises diplomatiques. Aucun mot sur les expulsions en République dominicaine. Aucun discours de portée internationale. Le ministère des Affaires étrangères, autrefois dynamique, est redevenu une institution silencieuse, dominée par les pratiques de favoritisme et de clientélisme.

Plus d’une centaine de nominations ont été effectuées sous sa direction, la plupart sans critères transparents, au bénéfice d’alliés politiques. Des plaintes ont même été déposées à l’ULCC pour dénoncer des cas de corruption dans la diplomatie.

Une diplomatie sabotée au détriment de l’intérêt national

L’éviction de Dominique Dupuy apparaît aujourd’hui comme un symbole du refus de changement dans l’administration haïtienne. Elle a été écartée non pas pour incompétence, mais pour avoir incarné un renouveau, pour avoir bousculé l’ordre établi et mis en lumière les failles d’un système que certains veulent préserver à tout prix.

Elle portait une vision : celle d’une diplomatie éthique, féministe, nationale et ambitieuse, au service du peuple haïtien. En la sacrifiant, c’est cette vision qui a été mise en pause peut-être temporairement, mais au prix d’un lourd recul pour la diplomatie haïtienne.