Depuis le début de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine, le 24 février 2022, et selon le narratif avancé par la Fédération de Russie, l’Europe se retrouve plongée dans un conflit d’une envergure comparable à celui de la Seconde Guerre mondiale sur son propre territoire.
Ce conflit armé serait, toujours selon cette lecture, l’aboutissement d’une série de tensions ancrées dans l’histoire récente : l’éclatement de l’Union soviétique, l’élargissement progressif de l’OTAN vers l’Est, la position de l’Ukraine comme État tampon entre le monde occidental et le monde russe, ainsi que la dispersion de plus de cinq millions de Russes dans les anciens États membres de l’URSS.
À cela s’ajoutent les vieux démons géopolitiques qui hantent le continent européen depuis des siècles.
La position de l’Europe (UE) fut rapidement perçue comme belliciste. Dans un premier temps, bien que de manière prudente, l’Union apporta un soutien financier, militaire et diplomatique à l’Ukraine. On se souvient également que l’ancien locataire du 10 Downing Street, Boris Johnson, aurait fait échouer un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine en mars 2022.
Les dirigeants européens, selon leurs propres déclarations, souhaitaient infliger une défaite stratégique à la Fédération de Russie. Plus de dix-neuf paquets de sanctions ont été imposés à Moscou, et plus de 300 milliards d’euros appartenant au fonds souverain russe furent gelés. Les athlètes, musiciens et investisseurs russes ont été exclus de l’ensemble de l’espace occidental, et le gazoduc Nord Stream 2 — symbole du rapprochement stratégique entre la Russie et la première puissance économique d’Europe, l’Allemagne — a été détruit.
Les pays les plus hostiles à la Russie sont les États baltes, la Pologne et le Royaume-Uni, ravivant ainsi d’anciens contentieux historiques.
Cependant, avec l’arrivée de l’administration Trump, la situation géopolitique connaît un tournant majeur. Alors que la Russie occupe désormais près de 25 % du territoire ukrainien, que son économie demeure florissante malgré les sanctions, et que la société russe ne s’est pas effondrée comme l’espéraient certains dirigeants occidentaux, l’Europe se retrouve face à un dilemme stratégique.
Le pivot économique réussi de la Russie vers l’Asie renforce encore davantage cette nouvelle donne. Dans ce contexte, l’administration américaine a présenté un plan de paix qui tient compte des réalités du terrain, des demandes répétées de la Fédération de Russie en matière de sécurité, ainsi que des prétentions territoriales de Moscou. L’Union européenne, quant à elle, se trouve largement écartée de la table des négociations, les autorités russes estimant que l’UE « s’est tiré une balle dans le pied » en cherchant à infliger une défaite stratégique à la Russie.
Parallèlement, Donald Trump exerce une forte pression sur Volodymyr Zelensky pour qu’il accepte cet accord, estimant que l’Ukraine n’est plus en position de force pour formuler de nouvelles exigences. Les États-Unis demeurant le principal soutien de Kiev, Washington ne souhaite plus financer indéfiniment une guerre jugée perdue d’avance, d’autant plus qu’elle touche un pays miné par la corruption, y compris au plus haut niveau de l’État.
existe également l’épineuse question des avoirs russes, qui se trouvent majoritairement en Europe, plus précisément en Belgique. Certains pays de l’UE souhaitent les attribuer à l’Ukraine en guise de compensation pour les dommages subis durant la guerre. Cependant, cette démarche s’effectuerait au risque et péril de ces États : juridiquement, une telle opération est extrêmement difficile, voire impossible, et elle mettrait en jeu leur crédibilité financière. En effet, une confiscation unilatérale créerait un précédent dangereux pour tous les pays qui envisageraient de placer leurs actifs en Europe.
À cela s’ajoute l’hostilité affichée de certains États membres, notamment la Hongrie, la France — dans une moindre mesure — ainsi que la Belgique, où se trouve la grande majorité de ces avoirs.
Dans cette optique, le conflit ukrainien peut être considéré comme l’un des éléments déclencheurs du déclin de l’Europe sur la scène internationale, soulignant la fragilisation de son influence géopolitique et économique.
Joseph Wilfrid
